En partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement, le ministère de l’Intérieur prévoit de lancer un système de plaintes dès 2025/2026. Ce dispositif permettra aux citoyens de déposer des plaintes, des propositions ou des évaluations concernant les services sécuritaires locaux et régionaux, favorisant ainsi la transparence et l’amélioration continue des services publics.
La Presse — Le ministère de l’Intérieur a annoncé une mesure majeure visant à renforcer la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Ainsi, plus de 50 lanceurs d’alerte bénéficient désormais d’une protection sécuritaire. Cette initiative, communiquée par Sami Hamdi, Directeur général de la cellule de la bonne gouvernance au sein du ministère, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la loi organique n° 2017-10 du 7 mars 2017. Cette loi garantit la protection des lanceurs d’alerte et encourage le signalement des faits de corruption.
Lors d’une conférence organisée mardi 10 décembre, pour présenter les résultats des principales activités du ministère dans la lutte contre la violence et pour le renforcement des droits humains, Sami Hamdi a expliqué que le ministère s’attelle à vérifier toutes les suspicions de corruption. Il a appelé à une amélioration de la loi n°10 pour répondre aux besoins de protection des lanceurs d’alerte en conformité avec les standards internationaux.
Un engagement concret contre la corruption
Le ministère de l’Intérieur a également adopté une nouvelle approche d’interrogatoire ainsi qu’un code de conduite pour encadrer les forces de l’ordre dans l’application de la loi tout en respectant les droits humains. Cette démarche vise à répondre aux préoccupations des citoyens, tout en renforçant leur confiance envers les institutions sécuritaires.
Par ailleurs, des formations spécifiques ont été mises en place pour sensibiliser les agents de sécurité aux droits de l’homme et aux techniques modernes d’investigation, en collaboration avec des experts internationaux. En effet, et en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le ministère prévoit de lancer un système de plaintes dès 2025/2026. Ce dispositif devra permettre aux citoyens de déposer des plaintes, des propositions ou des évaluations concernant les services sécuritaires locaux et régionaux, favorisant ainsi la transparence et l’amélioration continue des services publics. Ce système intégrera une plateforme numérique permettant un suivi en temps réel des requêtes, garantissant ainsi une meilleure réactivité et une traçabilité des réponses apportées par les autorités.
Le cas emblématique du blé contaminé
Le traitement des lanceurs d’alerte a suscité à l’échelle nationale de grandes controverses par le passé, notamment avec l’affaire du blé contaminé. Pour rappel, en 2019, une employée du ministère de la Santé avait alerté sur l’importation supposée de blé moisi et contaminé par des radiations nucléaires en provenance de Bulgarie. L’information avait été largement relayée sur les réseaux sociaux, provoquant un débat national sur la sécurité alimentaire et la réactivité des institutions.
Malgré le démenti apporté alors par le ministère de l’Agriculture, affirmant que la cargaison était conforme aux normes, cette affaire a mis en évidence la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte pour prévenir toute intimidation ou représailles contre eux.
En réponse à cette affaire, le gouvernement a instauré un comité d’enquête indépendant pour évaluer la gestion de ce type de situation et renforcer les mécanismes de contrôle alimentaire.
Une dimension universelle
A l’échelle mondiale, la situation des lanceurs d’alerte reste une préoccupation d’ordre universel. Dans plusieurs pays, ces individus courageux font face à des pressions, voire à des persécutions judiciaires, alors qu’ils jouent un rôle crucial pour révéler des scandales touchant à la corruption, à la sécurité alimentaire ou encore en lien avec les technologies avancées de surveillance de masse. La Tunisie, en protégeant ses lanceurs d’alerte, montre ainsi une volonté de s’aligner sur les meilleures pratiques internationales.
Dans le monde, les cas célèbres de persécution des lanceurs d’alerte font légion, nous nous limiterons aux plus connus. D’abord, l’Américain Edward Snowden. Cet ancien employé de la NSA a révélé l’existence de programmes de surveillance de masse menés par le gouvernement américain. Accusé d’espionnage, il vit en exil en Russie depuis 2013. Ensuite, l’Australien Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, poursuivi pour avoir publié des documents sensibles exposant des scandales mondiaux. Il est actuellement détenu au Royaume-Uni et risque une extradition vers les États-Unis et une peine de 175 ans de prison. Enfin, le cas tragique de Daphné Caruana Galizia, journaliste et lanceuse d’alerte, qui enquête sur la corruption à Malte. Elle a été assassinée en 2017, mettant en lumière les dangers auxquels font face les lanceurs d’alerte dans des environnements hostiles. Ces exemples et bien d’autres montrent l’importance cruciale de mécanismes de protection robustes pour les lanceurs d’alerte à l’échelle mondiale et nationale.
Pour instaurer un climat de transparence et de bonne gouvernance, il est donc impératif de protéger ses lanceurs d’alerte pour le rôle crucial qu’ils jouent dans la construction d’institutions responsables et transparentes. En même temps, un cadre juridique clair doit empêcher les abus, tout en soutenant ceux qui osent dénoncer des pratiques illégales ou dangereuses. Ainsi, notre pays jettera les bases solides d’une société où la justice et la responsabilité citoyenne priment. Le renforcement des mécanismes de protection, associé à une sensibilisation accrue de l’opinion, permettra de créer, espérons-le dans un avenir proche, un environnement propice à l’expression et à l’action de lanceurs d’alerte responsables pour un avenir plus juste et équitable.